CTRL ZINE -Le marché de la dopamine: réalité addictive (article complet)

ATTENTION: Les opinions, contenus et satires publiés dans le CTRL ZINE sont la responsabilité exclusive de leurs auteur·trice·s- étudiant.es. Ils ne reflètent en aucun cas les positions officielles du programme Techniques d’Intégration Multimédia (TIM) ni du Cégep Édouard-Montpetit.

Est-il temps pour une réelle déconnexion?

par Charles-Antoine Lépine (2025-2028)

Nous sommes bombardés d’informations et de stimulants dans toutes nos interactions, et ce, du lever, lorsque l’on prend notre cellulaire, jusqu’au coucher ou nous finissons enfin par le déposer. Des réseaux sociaux aux publicités attrayantes, nous sommes confrontés à une réalité qui est celle de la surconsommation numérique et de son marché de la dopamine.

Lors de notre réflexion au sujet du contenu de cet article et du thème de ce numéro, nous sommes arrivés à l’idée de la déconnexion. Un sujet assez ouvert qui semble à première vue générique, mais lorsqu’on se penche sur celui-ci et qu’on l’applique à notre réalité, il nous est possible de voir son importance, comprendre ce vortex qui nous attire fortement… 

Pour bien comprendre ce sujet, j’ai décidé de me « déconnecter » pour 3 jours en allant loin de ma routine et mon chez-moi, un petit voyage qui me forcera à ne pas être cloué à mon cellulaire et mon ordinateur. Visite de musées et de monuments historiques, évènement avec la famille et manger dans de bons restaurants, tout semble indiquer que ce serait parfait pour déconnecter, n’est-ce pas? La réalité que j’ai vécue semble prouver le contraire.

En effet, malgré le plaisir de découvrir toutes ces belles choses, il semblerait qu’il ne soit pas aussi simple de réellement déconnecter de notre monde de plus en plus numérique et poussé aux plaisirs éphémères. Un musée qui propose de prendre notre pouls à l’aide d’un capteur numérique permettant de voir les œuvres qui suscitent des émotions en nous, des installations interactives qui nous font interagir avec le monde qui nous entoure grâce à notre téléphone portable, le besoin de prendre des photos à chaque endroit nouveau pour avoir un souvenir qui nous rappelle quelque chose de positif et sans oublier les listes infinies de restaurants qui offrent une variété aussi infinie de mets! Nous sommes poussés à faire des choses qui nous font nous sentir bien et qui activent nos neurones que nous en soyons conscient·es ou non. 

Il est donc important de se demander pourquoi notre société est basée sur la surconsommation et sur un marché de la dopamine qui nous incite à avoir un sentiment de satisfaction dans toutes nos interactions.

La surconsommation et le marché de la dopamine

Pour pouvoir bien comprendre ces enjeux, il faut se pencher sur les concepts clés de ceux-ci, soit la surconsommation et son application dans notre quotidien, ainsi que le principe du marché de la dopamine aussi appelé « capitalisme limbique ».

Le concept de la « surconsommation » vous est probablement familier dû à son utilisation courante dans les médias, mais il est bien de le replacer dans un contexte qui nous est propre, soit celui du numérique. Son radical ou sa racine « consommation » fait référence dans ce cas au contenu numérique que nous visualisons ou écoutons, tel que des vidéos et textes sur les réseaux sociaux (YouTube, Instagram, TikTok), les podcasts et musiques que l’on met en arrière-plan et même les notifications de chats et autre avertissement que nous recevons constamment sur nos appareils mobiles. Son préfixe « sur » mentionne la présence d’un excès ou d’une présence supérieure à la norme. On peut donc en conclure que la surconsommation numérique est celle de l’excès de stimulus que nous recevons constamment avec notre présence quasi complète sur le numérique. 

Pour en revenir à mon aventure de déconnexion ratée, cette surconsommation était omniprésente malgré moi. Le cellulaire vibrait constamment pour des sujets très peu intéressants tels que « Le top 10 des meilleures séries TV de vampires » ou même le poste sur Facebook du cousin germain d’un ancien ami du primaire! Sans parler des restaurants où tout était délicieux et on en sortait 30 livres plus lourds… 

Il est bon de comprendre ce concept, mais comment s’applique-t-il dans notre quotidien? Nous sommes presque tous victimes du fameux doomscrolling, où l’on souhaitait passer 30 secondes à regarder une simple vidéo, mais au final les 30 dernières  minutes se sont écoulées… Et bien ce désir inconscient de toujours vouloir plus de satisfaction rapide et de chercher à être constamment stimulé est un enjeu dû à la marchandisation du plaisir appelé « marché de la dopamine ». 

Cette capitalisation du bonheur vient des stratégies commerciales des grandes entreprises de notre monde qui cherchent à capter notre attention le plus rapidement et efficacement possible pour pouvoir en tirer profit. Les fins d’épisodes qui nous laissent sur notre faim, les courts vidéos (Shorts, Reels, etc.) qui captent notre attention et qui s’enchaînent éternellement, les jeux vidéo qui nous lancent dans des situations de compétition rapides et intenses, etc. Ce sont tous des exemples d’un modèle qui cherche à nous attraper dans une boucle de « dopamine » sans fin. 

Près de 2h par jour en moyenne sur mon téléphone, soit 15% de ma journée, de 5h à 8h sur mon ordinateur, disons 40% de mes heures éveillées… et cela sans compter le temps passé en classe à travailler sur la matière qui est dans l’ensemble numérique. La majorité de mes journées et possiblement celle des étudiant·es en TIM sont passées devant un écran, et ce, par choix ou par obligation.

Dès que nous avons une pause, nous sortons notre cellulaire en quête de divertissement et même lorsque le temps est au travail, pour plusieurs, nous mettons de la musique ou une vidéo en arrière-plan. Je vous mettrais au défi de me dire la dernière fois où vous avez choisi de rester en silence sans votre téléphone ou devant un écran lors d’un temps mort… je peux vous assurer que pour moi c’est rendu un automatisme de l’avoir en main. 

Les effets néfastes

Cette surstimulation et la présence massive du numérique amènent plusieurs effets négatifs dans nos vies. La dopamine est un neurotransmetteur important dans notre cerveau pour ce qui est de la motivation, du bonheur,  de la mobilité et de bien plus encore, ce qui en fait un acteur clé pour notre santé physique et mentale. En venant massivement attaquer cette « molécule du plaisir », on s’expose à de réels dangers pour notre bien-être.  

Notre corps cherche, tout comme la nature, à trouver un état d’équilibre, et ce, tant dans les situations de mal-être que de bien-être. En effet, vous avez probablement vécu une situation où tout allait bien et soudainement un inconfort vient se glisser. Avoir trop ri et par conséquent avoir mal au ventre ou bien passé la journée à écouter votre série préférée et se retrouver avec un mal de tête, peut-être même avez-vous mangé un délicieux repas qui vous remplit au maximum et par la suite un mal de cœur s’installe. Les réactions peuvent être physiques, comme les exemples précédents, mais aussi psychologiques, telles que ressentir de l’anxiété après avoir passé trop de temps sur votre cellulaire ou possiblement être irritable dû à une journée passée dans l’univers du numérique. 

De ce fait, si on regarde notre monde plongé dans la surconsommation et l’apport constant de dopamine que notre cerveau reçoit, il est certain d’avoir un retour du balancier. Fatigue, anxiété, insomnie et plus encore sont tous des symptômes de notre excès numérique et deviennent de plus en plus courants.  

Un autre enjeu de cette surconsommation est celui de la perte d’intérêt rapide et l’incapacité à tolérer l’ennui. Ce fut pour moi la plus grande réalisation de la dépendance à cette forme de dopamine. Trop souvent j’étais sur les réseaux sociaux pendant que j’effectuais une tâche plus longue ou même en écoutant un film ou un court-métrage. Encore aujourd’hui j’ai de la difficulté à m’ennuyer, je cherche toujours à faire quelque chose pour m’occuper l’esprit. C’est une réalité que plusieurs d’entre nous partageons et qui est le résultat direct de ce marché de la dopamine et de l’hypernumérisation de notre société. 

Le fait de recevoir autant de stimuli pourrait sembler être une bonne chose pour notre motivation, considérant que la dopamine est la molécule qui la gère, mais la réalité est tout le contraire. Avec ce surplus de petits boosts de dopamine, nous venons dire à notre cerveau que les projets plus longs ou qui demandent des efforts supplémentaires n’en valent pas la peine et que nous ferions mieux de rester avec un apport plus stable et constant.

Pistes de réflexion

Au retour de mes courtes « vacances » je ne me sentais pas reposé, pour être parfaitement honnête j’étais épuisé. Sortir d’une routine chargée, quitter son univers de stimuli et constant « bruit » visuel et sonore, ce n’est pas facile, et peut même être pénible dans un sens. Je me suis donc penché sur de possibles solutions à ce problème pour pouvoir envisager un mode de vie qui ne nécessite pas ce besoin constant de dopamine. 

La première étape dans cette réflexion est celle de prendre conscience de notre réalité. Comprendre que nous sommes pris dans une boucle de satisfaction éphémère nous permet d’établir les bases des actions que nous pouvons faire pour régler ce problème. En effet, reconnaître un enjeu est aussi reconnaître qu’il faut le résoudre, ce qui est primordial pour atteindre nos objectifs. Pour ma part, après la rédaction de cet article, je ne pourrai pas ignorer cette réalité. 

Une deuxième étape de cette réflexion pourrait être de s’éloigner intentionnellement des acteurs qui sont en cause, l’idée même de la déconnexion. Faire un jeûne de cet apport en stimuli n’est pas facile, mais c’est une des options les plus efficaces pour rompre nos habitudes de consommation numérique. On peut désinstaller des applications de réseaux sociaux ou mettre un filtre en noir en blanc pour nous inciter à ne pas aller sur notre cellulaire par exemple. L’option de complètement retirer la source est aussi extrêmement intéressante pour s’imposer une forme de binding, soit une contrainte tangible face à notre « addiction ». Mettre notre appareil dans une autre pièce, se débarrasser du produit en entier ou même s’imposer de sortir de chez nous pour créer une distance avec les stimulus constants. À savoir que la science démontre qu’il faut entre 2 et 4 semaines de jeûne numérique pour en ressentir les bienfaits…

Par contre, il est important de noter que dans certains cas, le simple fait de retirer la source n’est pas suffisant. Quand on parle de dépendance, on parle d’un trouble psychologique et physiologique qui accapare le quotidien d’une personne, donc le retrait soudain de cette source de dopamine peut causer des dommages importants. C’est pourquoi l’aide d’un ou d’une professionnel·le est recommandée pour les cas où on retrouve une dépendance nuisible. Si c’est votre cas, il n’y a aucune gêne, n’hésitez pas à en parler et à aller chercher de l’aide*.

En terminant, je tiens à souligner que la vie n’est pas que « métro, boulot, dodo ». Il ne faut pas retirer le plaisir de notre vie, mais plutôt prendre le contrôle de nos sources de plaisir et de l’intensité de celles-ci, pour pouvoir établir une saine consommation numérique et en ressentir les effets positifs. C’est un enjeu qui nous touche tous, dû au mode de vie imposé par notre société de plus en plus axée sur la surconsommation, mais c’est avec des efforts individuels et collectifs que nous pourrons avoir un avenir plus sain et se permettre une réelle déconnexion.

Besoin d’aide? Voici des ressources d’aide en dépendance.   

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